Le 12 janvier dernier, le Ministère des Sports a nommé officiellement Corinne Navarro au poste de Directrice Technique Nationale de la Fédération Française de Karaté et Disciplines Associées. Cette karatéka dans l’âme, revient avec nous sur sa prise de fonction et ses projets pour la Fédération…
FFKDA : Pouvez-vous vous présenter ?
Corinne Navarro : Je pratique le karaté depuis l’âge de 5 ans. Je suis comme un pur produit des clubs de karaté. J’ai très vite passé mes diplômes d’enseignant et j’ai ouvert mon propre club. En 1998, j’ai passé le professorat de sport, ce qui m’a permis de devenir un des cadres techniques du ministère chargé des sports. J’ai fait une partie de ma carrière en services déconcentrés du ministère chargé des sports (11 ans) et une autre partie au sein de la FFKDA (6 ans).
Au départ de Patrick Rosso, alors que j’étais son adjointe, j’ai pris les rennes du projet technique dans l’attente de la nomination d’un nouveau DTN.
FFKDA : Pourquoi avoir candidaté au poste de Directrice Technique Nationale et comment cela s’est-il passé ?
C.N. : La prise de responsabilité s’est faite par conscience professionnelle au départ. J’ai construit un projet avec Patrick Rosso. Etant arrivée quasiment en même temps que lui, j’avais donc cette connaissance intégrale du projet, et devenait ainsi la seule à pouvoir assurer cette continuité suite à son départ (ndlr : la vacance du poste a engendré un intérim de fait, non officiel). Ma formation professionnelle, différente des autres cadres techniques qui œuvrent au sein de la fédération, a confirmé cet état de fait.
Très rapidement, les trois autres DTN Adjoints, à savoir Claudio Pettinella, Giovanni Tramontini et Thierry Masci, m’ont donné leur approbation instantanément, et m’ont même incitée à conduire le projet dans l’attente de la mise en place d’une procédure de sélection d’un DTN par le ministère. Avoir leur confiance et leur respect était primordial pour moi. La confiance manifestée par les élus, surtout celle du président, m’a poussée à candidater pour aller au bout d’un projet ambitieux.
FFKDA : Quelle est la durée de votre mandat ?
C.N. : Un contrat type de DTN dure le temps d’une Olympiade, soit 4 ans. Le contrat de P. Rosso devait se terminer en décembre 2016. Je pars donc pour un an de contrat, et ensuite nous verrons où cela me mènera. Il faut déjà être performant, et dans des conditions sereines pour conduire le projet. C’est tout ce qui m’intéresse pour l’instant. Je tiens à viser la réussite et la performance, et non la longévité.
FFKDA : Pouvez-vous nous rappeler le rôle et les missions du DTN de la FFKDA ? Et avec qui travaille-t-il ?
C.N. : Le DTN représente l’Etat au sein de la Fédération. Il contribue à la mise en œuvre des missions de service public dans le respect des prérogatives et statuts de chacun : les professionnels, les bénévoles, les élus, les techniciens, les cadres de l’état, les cadres fédéraux… dans une cohabitation la plus efficiente possible. Les échanges avec le ministère sont primordiaux. Il « commande » le DTN, il indique les orientations à suivre par les fédérations sportives et contribue au financement des actions.
En interne, il y a un important travail de management, au sein de toute l’équipe technique. Les élus fixent les objectifs, ce sont les décideurs. Les techniciens nationaux, professionnels de l’activité, doivent conseiller, orienter les politiques, structurer et mener les projets. C’est le travail du DTN que de conduire une équipe pour mener ces actions. L’architecture est la même dans les régions et comités départementaux, mais avec des élus et techniciens le plus souvent bénévoles eux-aussi. L’action de la DTN doit permettre la mise en œuvre du projet fédéral sur tout le territoire et intégrer pleinement les acteurs des ligues et comités, c’est-à-dire les ETR et ETD.
Le corps arbitral fait partie intégrante du secteur technique et le travail collaboratif est important.
Le DTN est globalement le garant du cadre, et le manager.
FFKDA : Quels sont les axes de travail actuels ? Et quels sont vos projets pour la FFKDA ?
C.N. : La priorité a été la modification du fonctionnement du secteur du haut niveau.
« Du changement dans le secteur du haut niveau »
La mise en œuvre du suivi socio-professionnel au profit de tous les sportifs listés jeunes, seniors et élites est le 1er aboutissement. Dans le champ des équipes de France, j’ai souhaité modifier un peu le fonctionnement, autour du nouveau directeur, Gilles Cherdieu, figure incontournable. Yann Baillon, Ludovic Cacheux et Ayoub Neghliz ont été responsabilisés respectivement sur la mise en œuvre du projet de performance combat « seniors », combat « jeunes » et kata. Il faut changer des choses, petit à petit, surtout dans une perspective d’accession au programme des Jeux Olympiques. Nos entraîneurs ont une expertise certaine et s’y attellent. C’est en cours.
L’arrivée du wushu, 2ème discipline de haut niveau « gérée » par la FFKDA, implique aussi un travail de fond pour structurer son évolution sportive et cela ne peut passer que par le travail des spécialistes. Des sportifs de haut niveau ont déjà manifesté le souhait de passer le professorat de sport et devenir cadres d’état pour contribuer à cette structuration activement et progressivement.
« La formation au service du développement »
La partie la plus importante du projet technique, en termes d’organisation, est la restructuration du secteur formation, sur des bases un peu différentes, modernes et axées sur la mutualisation. Nous devenons organisme de formation à part entière, en organisant nous-mêmes le Brevet Professionnel, le Diplôme d’Etat et le Diplôme d’Etat supérieur à compter de cette année. Il s’agit à mon sens de la poursuite d’un double objectif : la mise en place d’une école de la 2ème chance pour les licenciés sortis de cursus scolaire mais aussi en parallèle, la possibilité de former des enseignants, cadres techniques et entraîneurs de haut niveau toujours plus compétents. C’est nouveau, et cela engendre beaucoup d’activité, mais c’est important. Ce gros chantier structurel est désormais terminé sur le papier, nous sommes à présent dans la phase de mise en œuvre, afin d’être opérationnels dès septembre prochain, avec Virginie Boissy-Probst, directrice du secteur formation/emploi depuis le début de la saison.
Aujourd’hui notre idée première est de mettre la formation au service du développement. Un enseignant bien formé garantit l’image et la crédibilité de la fédération et promeut sa discipline.
« Priorité sur les enfants ! »
Dans cet esprit, un projet qui me tient à cœur est celui du développement de la pratique des enfants. C’est le secteur dans lequel nous disposons le plus d’outils sur le plan pédagogique mais le rayonnement n’est pas suffisant. Je souhaiterais que la Fédération développe le Baby Karaté, et, dans la mesure où l’accueil d’un enfant de maternelle et un enfant de primaire/collège n’est pas le même, il s’agit de s’entourer de spécialistes de la petite enfance pour travailler sur ces spécificités. C’est le projet confié à Jonathan MARUANI depuis ce début janvier. En ces temps socialement agités, le code moral mérite d’être travaillé et intégré aussi.
« Un seul projet fédéral, partagé et mis en œuvre »
Tous les projets mis en œuvre doivent intégrer l’ensemble des disciplines. Les acteurs du Krav Maga, des Arts Martiaux Vietnamiens, du Wushu… doivent être respectés dans leur identité, leurs caractéristiques et leur histoire, tout en s’attachant à construire leur projet de discipline dans les orientations fédérales. La FFKDA sert de matrice et les acteurs du karaté partagent leur expérience.
« Prôner l’exemplarité »
Les disciplines fédérées à la FFKDA sont de vrais « outils » éducatifs dans les clubs. Il paraît important de se distinguer de la tendance de société actuelle. Coachs et sportifs, notamment ceux des équipes de France, doivent adopter un comportement fairplay aux abords des tapis et je compte sur les entraîneurs des clubs labellisés « élites » et « ambition haut niveau » pour œuvrer dans ce sens avec la DTN.
La mise en œuvre du plan fédéral « citoyen du sport » va notamment pousser à analyser nos comportements.
« Public défavorisé et mixité : on a des savoir-faire, mais il faut continuer ! »
Outre ces projets, il y a également ceux que le ministère souhaite voir mis en place. Parmi eux, l’accessibilité du sport aux publics défavorisés. Les savoirs-faire sont importants et les clubs sont déjà naturellement implantés dans les quartiers. Il faut continuer à développer dans ce sens et contribuer à proposer cette éducation par le sport.
Pour la pratique féminine, la FFKDA est efficace. Elle compte environ 35% de licenciées féminines, et les clubs sont des lieux de mixité. Par contre, l’accès des femmes aux postes à responsabilités est encore faible. Ceci pose question et doit faire l’objet d’une vraie réflexion. Cependant, il s’agit d’un sujet de société et non d’une spécificité de la FFKDA mais la direction technique va y contribuer.
Il y a une vraie bonne entente entre tous les acteurs de la DTN avec un haut niveau d’exigence mutuel dans l’engagement. Ainsi, les axes de travail sont multiples et les projets ne manquent pas. Ils sont hiérarchisés et toute sera mis en œuvre pour les voir aboutir.